L’homme est un singe menteur… C'est un phénomène quotidien, vieux comme l’humanité, omniprésent. Nous mentons tous. Dès l’enfance, on sait très tôt s’arranger avec la vérité. Comme si c’était inné, intrinsèque à notre Nature... Mentir serait-il intrinsèque à notre Nature? Naît-on menteur ou le devient-on? Éprouve t-on nécessairement un sentiment de culpabilité? Quelle barrière et quel rapport entretient-on avec la franchise? Comment reconnaître le degré de sincérité de celui qui parle? Et comment le mensonge, ou le manque de vérité affecte notre vie sociale et psychique?
DÉFINITION DU MENSONGE
Selon le Larousse:
- Action de mentir, de déguiser, d'altérer la vérité :
- Le mensonge sert de fondement à sa politique.
- Assertion contraire à la vérité :
Ce que vous dites est un mensonge.
- Littéraire. Ce qui est faux, illusoire, trompeur :
Leur bonheur est un mensonge.
Selon Wikipedia:"Le mensonge est l'énoncé délibéré d'un fait contraire à la vérité, ou encore la dissimulation de la vérité. Il ne faut pas le confondre avec la contrevérité, qui désigne simplement une affirmation inexacte, sans préjuger du fait que son auteur le sache ou non. »
Selon Universalis:"Le menteur a l’intention délibérée d’abuser une autre personne, sans donner le moindre avertissement et sans que la victime lui ait demandé d’agir ainsi. Le menteur connaît la vérité. Il a le choix de la dire ou pas. Le mensonge peut être transmis par la parole (falsification) ou par le silence (omission). Le mensonge est étudié dans les laboratoires de recherche du point de vue de son émetteur (encodage) ou de sa cible (décodage)."
ÈRE DE LA POST-VERITÉ
Nous vivons à l’ère de la Post-verité.Les Fake News se propagent à toute allure sur les réseaux sociaux; à chacun sa vérité, sans filtres et sans vérifications. La frontière entre vérité et mensonge est de plus en plus ténue. Le plus celebre diffuseur de fake-news sur internet est le président Donald Trump, qui en publie quasiment… tous les jours. Refusant de faire appel à la moindre expertise, ou système de vérification extérieure par les Archives, les faits, les images, etc… en atteste sans faiblir: « Je sais bien que… parce que je le sens ».
La politique est un milieu ou le mensonge est de mise... et la sincérité déplacée. Nous avons tous en tête quelques scandales politico-économiques, nationaux ou internationaux, ou les principaux accusés juraient face camera « dire la vérité », et "être victimes de mensonges et calomnies".
Le citoyen lambda a beau condamner ces comportements… il ne fait guerre mieux. Mais contrairement aux mensonges des politiciens, les compliments appuyés de notre citoyen lambda, ne relèvent pas d’une "malhonnêteté délibérée », mais de « mensonges de courtoisie », ou « mensonges altruistes ». Une pratique que nous impose aussi notre vie en société.Avouons-le, une certaine dose d’hypocrisie est nécessaire au "vivre-ensemble harmonieusement". Mais quand le mensonge s’apparente à une entreprise de dissimulation... la ligne jaune est-elle franchie? Pour qui? Comment? Nous avons tous des degrés différents d’acception du mensonge, et chacun trouvera sa réponse.
LA MALHONNÊTETÉ RÉDUIT NOTRE CAPACITÉ D’EMPATHIE
Sur le site de l’American Psychological Association, des chercheurs démontrent que la malhonnêteté réduit notre capacité d’empathie, car pour les personnes qui mentent ou qui trichent, il est plus difficile d’interpréter les émotions des autres. Mentir ou avoir des comportements malhonnêtes empêcherait de comprendre les sentiments les autres et peut avoir des conséquences plus importantes à long terme: mythomanie, maladies psychiques, troubles du comportement.
Les conséquences de ces comportements concernent aussi l’individu lui-même : une personne qui ment aura plus de mal à définir ses propres relations et à se considérer proche des autres. Cela peut conduire à une déshumanisation de l’autre, et conduire un individu à réaliser des actes considérés comme immoraux.
ALORS POURQUOI MENTIR?
Parfois, le mensonge peut nous permettre de solutionner des problèmes, de détourner l’attention et de libérer notre esprit. “Un mensonge n’aurait pas de sens si la vérité n’était pas perçue comme dangereuse", dira Alfred Adler.
Mais quid d’après? Une fois qu’on a menti, comment s’arrange t-on intimement avec la vérité, avec nos émotions, avec notre identité ?
Voici quelques exemples d’émotions que nous ressentons après avoir menti : de la culpabilité, de la responsabilité sociale, de l’anxiété, une volonté de fuir certaines personnes ou certaines situations, une réalisation du fait que le temps consacré au mensonge est du temps perdu. Mais éprouve t-on tous ces sentiments?
POUR L’AYURVEDA, LA SANTÉ EST UNE ATTITUDE… MORALE
La santé est une attitude… morale ! Ce que l’Ayurveda enseigne dans la Sadvritta, le Code de Conduite ayurvedique, semblable aux préceptes du Yoga, ou aux règles de bon sens de la plupart des religions.
NOTRE PERSONNALITÉ
La personnalité d’un individu est définie à travers un ensemble de caractéristique incluant son comportement, son charisme, son attitude envers les autrui, ses valeurs, ses schémas émotionnels, son engagement dans la société, sa façon d’évoluer dans son environnement, sa façon de penser/panser le monde.
En termes thérapeutiques, il est essentiel pour un Vaidhya (un médecin ayurvédique), de saisir la personnalité de son patient, afin de comprendre qui il est, d’où provient l’origine de son mal-être, comment il l’a provoqué, quelles méthodes il devra utiliser pour le soigner, et quel langage ce même Vaidhya va devoir parler, pour convaincre son patient.
MANAS PRAKRITI
L'Ayurveda a mentionné les traits de personnalité d’un individu comme Manas Prakriti ; ces facteurs sont innés, présents dès la naissance. Ils évolueront ensuite, à travers l’éducation que recevra l’enfant, ses habitudes alimentaires, son environnement familial et climatique, ses expériences de vie, et comment il aura apprivoisé ces événement… soient-ils positifs ou négatifs.
PERSONNALITÉ ET SOCIÉTÉ
Notre personnalité est en fait notre façon de vivre en société… avec et/ou malgré, nos bagages de vie, ses apprentissages, désillusions, enseignements et trahisons... Qui suis-je et comment j’interagis avec mon milieu et mon environnement est de reflet de ma santé physique et mentale.
UN CODE DE CONDUITE ET D’ÉTHIQUE
Sadvritta est un ensemble de règles, de principes de conduite éthiques, de valeurs et de comportement, pour nous réaliser en tant qu’individu, pour soutenir la croissance de la société tout entière, tout en protégeant la Terre qui nous accueille. L’ayurvéda considère que plus important que les mesures d’hygiène corporelle quotidienne, la santé et la longévité d’une personne est intrinsèquement dépendante de sa Santé morale et mentale, lesquelles sont dépendantes de :
- Nos valeurs
- Nos engagements et devoirs envers la société
- De la qualité de nos relations, avec autrui et avec la Nature
- De la place qu’on s’est donné et choisi au service de la société
- Du choix de vivre une vie utile ou inutile
- Bénéfique ou préjudiciable
- Heureuse ou malheureuse
- Servant le plus grand nombre ou repliée sur soi
- Qui améliore et soutient notre qualité de vie, notre compréhension et développement spirituel
- Qui sert au progrès de notre espèce humaine et de la Santé sociale globale
En somme : une vie de valeurs, de vérité, de comportements adéquats vis-à-vis de soi, vis-à-vis de la société, vis-à-vis des saisons, de notre Terre d’accueil, du règne animal, végétal et minéral.
Selon la philosophie Védique, Sadvritta permettrait à chacun d’atteindre le bonheur, une santé longue et durable et le parcours du Dharma (chemin de vie amenant à la Libération de ce qui nous enchaîne).
Toujours selon la philosophie védique, « tous les humains sont faits pour le bonheur ».
Chaque individu possède un Dharma (un chemin de « vie utile ») qu’il doit trouver et maintenir pour pouvoir atteindre Moksha (la libération de ses pensées ou actions nuisibles). Celui qui ne trouve pas son Dharma n’atteint pas « sa » libération, et ne pourra pas garantir une santé physique, mentale et sociale, saine.
Sadvritta demande de la compassion envers tous les individus, par le contrôle de nos tendances de comportement et mentales. Il est ici question d’utiliser ses qualités pour le bénéfice d’autrui.
Il est dit que le résultat de l’application du Code de conduite permet d’apporter l’abondance (lorsqu’on est en pleine capacité d’atteindre notre dharma), le succès, etc.
LES 10 PÉCHÉS
Sadvritta nomme 10 péchés qui constituent autant de comportements nuisibles au développement personnel et à la Société :
- Himsã : la violence
- Steya : le vol
- Anyathã : toute action perverse et déloyale
- Paishunya : la médisance
- Parusha : la critique
- Anrta : mentir ou donner des informations incomplètes
- Aambhinna ãlãpa : toute action causant la séparation et le conflit
- Vyãpãda : tuer ou blesser
- Abhidyã : la jalousie
- Drgviparyayã : donner une mauvaise interprétation à ce qu’on a vu
Oui, cela peut paraître tellement « bateau » et simpliste. Voir niais… Seulement, avez-vous déjà imaginé l’impact d’une de ces actions sur notre santé mentale et nerveuse ? Ou encore : que dit ce type de comportement(s) de la santé mentale d’un patient ?
Il est plus aisé de lui prescrire quelques conseils d’hygiène de vie, activité physique, une diète bien pensée, et à la rigueur une ou deux plantes indiennes… Avons-nous été au fond du problème : bien sur que non.
Le patient peut-il « guérir » s’il continue à pratiquer ces « pêchés » ? Et ne pas vivre en vérité avec soi-même? A mon humble avis, non.
En tant que thérapeutes, pouvons-nous soigner véritablement et durablement sans paraître quelque peu « moralisateurs » ?
LES 5 KLESHAS, OU LA LIBÉRATION DE NOS SOUFFRANCES
Je poursuis ma réflexion sur les 5 kleshas, des Yoga Sutra de Patanjali, traité fondateur du Yoga. Les kleshas sont des afflictions, ou des obstacles, qui empêchent l'individu d'atteindre la libération; et qui sont vécues par l’homme au cours de sa vie, provoquant tristesse, doute, anxiété, peur, colère, jalousie, désir, etc…
LES 5 KLESHAS sont :
- Avidyā : l'ignorance due à la prédominance du guṇa tamas.
- Asmitā : l'égoïsme rattaché à l'ahaṃkāra: l'ego dans l'hindouisme.
- Rāga : la passion, les désirs.
- Dvesha : l'aversion.
- Abhinivesha : l'attachement à l'existence, la peur de la mort.
Ce sont les afflictions, les souffrances, causes de toutes les misères de la vie.
Les trois poisons (lobha, dosa, moha) sont les racines karmiquement mauvaises (akusala-mūla) qui conduisent à dukkha, la maladie. Le bouddhisme, lui, en distingue 10, les 10 souillures de l'esprit que sont :
- la convoitise (lobha),
- la haine, l'aversion (dosa),
- l'égarement (moha),
- l'orgueil (māna),
- la spéculation (diṭṭhi),
- le doute sceptique (vicikicchā),
- la torpeur mentale (thīna),
- l'agitation (uddacca),
- l'impudeur (ahirika),
- l'absence de crainte morale ou inconscience (anottappa).
La psyché humaine apparaît ainsi bien complexe, presque insoumise... à moins d'une discipline et un éthique de fer.
Aussi, peut-on penser correctement quand le champ de la conscience est brouillé?Peut-on être sincère, honnête, crédible, et vivre de vérité, quand la conscience est altérée par des impuretés? Que devient sur le long terme une conscience alimentée par le mensonge ? Et que sert de changer de conscience si le monde autour reste ce qu’il est ?
Il nous faut explorer cette conscience qui est la nôtre, la regarder au microscope avec franchise. Tous ne trouveront peut être pas ce courage d'être des "explorateurs de la conscience", mais peut être que quelques uns oui... Il suffira peut-être de quelques uns, des bâtisseurs de conscience, des bâtisseurs d’un monde nouveau. Qu'émerge le besoin de traduire en actes vivants ce à quoi nous aspirons.
Armanda Dos Santos