Dans la tradition ayurvédique, les doṣas (दोष) – Vāta (वात), Pitta (पित्त) et Kapha (कफ) – sont des forces biologiques fondamentales qui régulent les fonctions corporelles et mentales. Leur équilibre est essentiel pour maintenir la santé, l'homeostasie, la longevité, l'immunité et le bien-être, physique, physiologique et psychologique (les doṣas du corps influencent les doṣas du mental). Cependant, divers facteurs peuvent perturber cet équilibre, entraînant des déséquilibres ou des aggravations qui se manifestent par des maladies et des troubles. Comprendre ce qui cause ces déséquilibres, ainsi que les symptômes et les conséquences de l’augmentation ou de la diminution des doṣas, est crucial pour la prévention et le traitement des maladies selon l’Ayurveda. Voici quelques notions de Sharira Kriya et Racana.
Sharira Kriya (शरीर क्रिया) et Racana (रचना) : La physiologie et l’anatomie ayurvédiques
Sharira Kriya (Physiologie ayurvédique)
Sharira Kriya traite des fonctions physiologiques du corps humain selon l’Ayurveda. Elle comprend l’étude des doṣas, des dhātus (tissus corporels), des malas (déchets corporels) et des srotas (canaux corporels). Chaque doṣa joue un rôle unique dans le maintien des processus physiologiques :
• Vāta : Responsable du mouvement, il régule la respiration, la circulation sanguine, les impulsions nerveuses et les fonctions excrétoires.
• Pitta : Responsable de la transformation, il régule la digestion, le métabolisme, la production de chaleur et les processus enzymatiques.
• Kapha : Responsable de la structure et de la lubrification, il régule la cohésion des tissus, l’immunité, la lubrification des articulations et la stabilité mentale.
Racana (Anatomie ayurvédique)
Racana traite de la structure du corps humain, décrivant en détail les composants anatomiques selon l’Ayurveda. Elle englobe :
• Srotas (canaux corporels) : Ils transportent les substances vitales à travers le corps, y compris les nutriments, les déchets et les énergies subtiles.
• Dhātus (tissus corporels) : Il y a sept dhātus principaux : Rasa (plasma), Rakta (sang), Māmsa (muscle), Meda (graisse), Asthi (os), Majjā (moelle) et Shukra (reproduction).
• Malas (déchets corporels) : Incluent les fèces, l’urine et la sueur, qui doivent être correctement éliminés pour maintenir la santé.
Compréhension des doṣas
Vāta (वात)
Vāta peut être aggravé par la consommation d’aliments au goût amer, piquant et astringent. Il est important de noter que, contrairement à une traduction erronée dans le Nidānasthāna, ce n’est pas le goût salé qui aggrave Vāta, mais plutôt le goût Uṣṇa (chaud et piquant). Manger de manière irrégulière, c’est-à-dire en dehors des horaires habituels, contribue également à l’aggravation du Vāta. La suppression ou le forçage des impulsions physiologiques, comme uriner par anticipation, perturbe Vāta. Rester éveillé tard dans la nuit ou passer des nuits blanches, parler fort et longtemps, sont autant de facteurs aggravants. Les thérapies de Pañcakarma, telles que Vamana (vomissement thérapeutique) ou Virecana (diarrhée thérapeutique), aggravent aussi le Vāta. Le stress, la souffrance, l’inquiétude, la peur et l’exercice physique excessif sont d’autres facteurs d’aggravation, car ils augmentent le mouvement et la sécheresse. Les activités sexuelles, pour les mêmes raisons, ainsi que les climats secs et les saisons sèches aggravent Vāta. Aṣṭāṅga Hridaya mentionne que l’été aggrave Vāta en Inde en raison de la chaleur et de la sécheresse, mais cela ne s’applique pas aux régions où l’été est humide. À la fin de la journée, pendant la nuit et pendant la digestion des aliments, Vāta a tendance à s’aggraver. Les déplacements en voiture, moto, cheval, avion ou vélo, ainsi que la menstruation, aggravent également Vāta.
Pitta (पित्त)
Pitta est aggravé par la consommation d’aliments au goût piquant, acide et salé. Les aliments très épicés, chauds ou qui causent une sensation de brûlure aggravent également Pitta. Les crises émotionnelles, comme la colère, peuvent aussi l’aggraver. Les saisons chaudes et humides ont une tendance naturelle à aggraver Pitta. Au milieu de la journée, au milieu de la nuit et au milieu de la digestion, Pitta tend à s’aggraver.
Kapha (कफ)
Kapha est aggravé par la consommation d’aliments au goût sucré, acide et salé, les mêmes goûts qui apaisent Vāta. Les aliments très gras, lourds, visqueux et froids aggravent également Kapha. Les produits laitiers et autres aliments inflammatoires peuvent obstruer les canaux du corps (srotas), rendant la personne lourde. Rester assis longtemps, se coucher trop souvent, dormir trop, consommer des aliments crus ou mal cuits, et dormir pendant la journée aggravent Kapha. Une nutrition excessive contribue également à l’aggravation. Le sommeil diurne est contre-indiqué par les Samhitas et aggrave Kapha. Le début du processus digestif, le début de la journée, le début de la nuit et l’enfance (le début de la vie) sont des périodes où Kapha tend à s’aggraver. Le printemps en Inde est aussi une saison où Kapha peut s’aggraver.
Facteurs qui aggravent les trois doṣas
L’augmentation individuelle d’un doṣa peut entraîner l’aggravation des trois doṣas. Des facteurs comme un régime alimentaire inadéquat, la consommation d’aliments non cuits (provoquant une indigestion), d’aliments contaminés, incompatibles ou en excès (tant en quantité qu’en fréquence), de vins avariés, de légumes secs, de viande avariée, l’exposition directe à la brise, la possession d’énergies nuisibles, l’ingestion de poisons naturels et artificiels, la résidence sur des flancs de montagnes, les effets négatifs des positions planétaires et du signe solaire (constellation de naissance), une mauvaise administration de médicaments et leurs effets secondaires, commettre des crimes ou des actes nuisibles à la communauté, les anomalies lors de la naissance et des procédures incorrectes à la naissance, ainsi que la consommation d’aliments viruddhāhāra (incompatibles) ou hors saison, peuvent tous aggraver les trois doṣas.
Ce qui se passe lorsque les doṣas diminuent
Vāta (वात)
Un Vāta réduit entraîne une faiblesse corporelle, moins de mouvements, une parole réduite, moins d’activités physiques et d’énergie. Les organes des sens deviennent faibles. Les symptômes d’un Vāta diminué peuvent être confondus avec ceux d’un Kapha aggravé, car les rasas (saveurs) qui apaisent Vāta (sucré, acide et salé) aggravent Kapha, et vice versa.
Pitta (पित्त)
Un Pitta diminué entraîne une digestion faible et lente. On ressent davantage de froid dans le corps. La peau perd son éclat et semble terne. Une personne avec un Pitta diminué peut paraître abattue et fatiguée.
Kapha (कफ)
Un Kapha diminué peut provoquer des vertiges et une sensation de vide dans les parties du corps où Kapha prédomine. Le cœur peut mal fonctionner et les articulations peuvent devenir lâches.
Localisation des doṣas
Vāta (वात)
Vāta est principalement localisé dans le gros intestin, mais il est également présent dans la région de la taille, les hanches, les cuisses, tous les orifices du corps (nez, oreilles, bouche, anus), les os, et les organes des sens, en particulier le toucher.
Pitta (पित्त)
Pitta se trouve principalement autour du nombril, de la vessie et de l’intestin grêle. Il est aussi présent là où les aliments ne sont pas complètement digérés (entre l’estomac et l’intestin grêle). Pitta est également lié à la sueur, au sang, aux yeux et aux organes du toucher, la peau ayant un lien fort avec Pitta doṣa.
Kapha (कफ)
Kapha se trouve dans plusieurs endroits, principalement dans la poitrine, la gorge, la tête, la bouche, le nez, la langue, le poumon gauche, les articulations, et là où la nourriture n’est pas encore digérée (estomac et intestin grêle), ainsi que dans le sang non coloré (rasa dhātu).
Lorsque les doṣas se combinent
Nous avons vu les caracteristiques individuelles des doṣas, mais lorsque ces doṣas se combinent, ils sont divisés en deux groupes :
• Saṃsarga : lorsque 2 doṣas s’aggravent ou se réduisent en duo (vāta-pitta, vāta-kapha ou pitta-kapha) ;
• Saṃnipāta : lorsque les 3 doṣas s’aggravent ou se réduisent.
Il est très difficile de diagnostiquer rapidement une maladie, car parfois elle peut être causée par un seul doṣa aggravé, ou même par deux doṣas, voire par les 3 doṣas aggravés. C’est pourquoi, en médecine ayurvedique, un diagnostic ne se base jamais sur un seul symptôme, sans un examen complet, long et minutieux.
Armanda Dos Santos