Certains mots sont si courants qu’on en oublie d’en interroger le sens… C’est le cas du mot « bonheur », ou du mot « plaisir ». De quoi sommes-nous en quête véritablement? d’une sensation éphémère et solitaire, ou durable et collective.
DÉFINITIONS
Selon Larousse
BONHEUR:
- Bonne chance, circonstance favorable : Nous avons eu le bonheur d'arriver à temps.
- État de complète satisfaction : Rien ne peut troubler leur bonheur.
- Joie, plaisir liés à une circonstance : Quel bonheur de se retrouver ici !
PLAISIR:
- État de contentement que crée chez quelqu'un la satisfaction d'une tendance, d'un besoin, d'un désir : Cette musique lui procure un immense plaisir. Éprouver du plaisir à lire.
- Ce qui plaît, divertit, procure à quelqu'un ce sentiment agréable de contentement : Le plaisir de la table.
- S'emploie dans des formules de politesse pour exprimer un quelconque consentement, agrément : Quel plaisir de voyager avec vous !
- Jouissance sexuelle, volupté : Donner du plaisir à son partenaire.
Le bonheur ! On y aspire de toutes ses forces, de tout son être. Mais que désire-t-on, au juste ? Comment? Où dans mon corps voudrais-je le sentir? Où le chercher ? Comment le vivre ? Est-il durable?Pour commencer: de quoi avons-nous vraiment besoin ? Cette question connaît une bien étrange actualité théorique et politique.
D’un côté, elle a reconquis une forme de légitimité dans le débat politique et intellectuel, notamment à travers la crise sanitaire imposée par le COVID19. Ainsi, il semble relativement évident pour beaucoup que la crise sanitaire, économique et écologique a « reactivé » la prise de conscience écologique mondiale, et nous impose désormais de réfléchir à des stratégies de limitation/réorientation de notre consommation, de nos modes de vie, en individuel et dans le collectif.
Selon wikipedia"Le bonheur est un état ressenti comme agréable, équilibré et durable par quiconque estime être parvenu à la satisfaction de ses aspirations et désirs et éprouve alors un sentiment de plénitude et de sérénité. »
"Le plaisir est une sensation, agréable, recherchée et de courte durée, essentielle au fonctionnement du système de récompense (aussi appelé système hédonique) propre aux mammifères mais qui pourrait être partagée par d'autres vertébrés. »
Urgence, donc, à penser nos besoins, ce qui nous apporte joie, satisfaction, plaisir et bonheur. Mais d’un autre côté, et là réside le paradoxe, la question des besoins peine à s’imposer dans le débat politique. À certains égards, et pour beaucoup d’entre nous, la question semble d’un autre âge et, de fait, se heurte à des arguments politico-théoriques : selon quels critères déterminer la valeur des besoins humains ? Imagine-t-on un Ministère en France chargé de décider des « vrais » besoins de ses citoyens, et de leur taux de bonheur ?
De fait, on se rend bien compte que la mondialisation et le capitalisme a complètement modifié nos comportements, et manipulé nos besoin.La liberté du "citoyen-consommateur" est devenue une norme et un objectif. Et cette "liberté" elle se mesure à hauteur de son compte en banque. L’argent garanti notre liberté de circulation, de consommation, mais aussi notre statut social, notre santé… Et notre bonheur ?
Tous ces motifs ne sont, au fond, que des étapes intermédiaires vers un objectif ultime et illusoire : le bonheur.
CONSOMMER NOS ADDICTIONS Sucre, réseaux sociaux, achats compulsifs, jeux videos, pornographie, drogues. Et si tous ces plaisirs simples inhibaient… notre quête du bonheur?
CONSOMMER LE BONHEUR Nous y voilà, si l’argent ne fait pas le bonheur, la consommation pourrait-elle s’en charger ? Pourquoi consomme-t-on ?Pour gagner en confort (une plus grande voiture) Asseoir son statut social (un sac griffé) Socialiser (un dîner au restaurant) ou marquer son appartenance (un maillot de foot) Concrétiser un projet de vie (une maison de famille) Affirmer ses valeurs (une voiture électrique) Développer de nouvelles aptitudes (un cours de salsa), etc.
Pour Robert Lustig, neuro-endocrinologue américain, nous confondons deux choses: plaisirs et bonheur. Selon lui, les plaisirs sont de courte durée. Les plaisirs sont instinctifs.
Les plaisirs sont matériels.
Les plaisirs sont solitaires."Le plaisir poussé à l’extreme, mène à l’addiction », dit-il.
Au contraire, le bonheur est de longue durée. Le bonheur est spirituel. Il est lié aux interactions sociales. « C'est le sentiment de ne faire qu’un avec le monde. C'est cette chose qu’on appelle le bonheur », dit-il encore.
Pour Robert Lustig, la quête des plaisirs entrave la quête du bonheur. Et la raison est scientifique: les plaisirs déclenchent la dopamine. Le bonheur dépend de la sérotonine.« La dopamine exite les neurones, et quand les neurones sont trop excités, trop souvent, ils ont tendance à mourir », explique t-il.
La dopamine stimule le « circuit de recompense », mais peut developper des addictions. « La fois suivantes, vous avez besoin d’une plus grosse dose, pour avoir la même sensation, parce qu’il y a moins de récepteurs a occuper. Et vous aurez ainsi besoin de plus, et de plus, toujours plus, pour finalement prendre une énorme dose, pour aucun effet. Ça s’appela la tolérance. Et quand les neurones commencent á mourir, ça s’appelle l’addiction. », dit-il.La sérotonine est responsable du sentiment de contentement et de plénitude. Au contraire de la dopamine, la sérotonine ne rend pas accro. La sérotonine ne tue pas les neurones.
Selon le docteur Lustig: « La sérotonine est un inhibiteur. Ce n'est pas un excitant. Elle ralentit ces neurones au lieu de les stimuler. Donc vous ne pouvez pas surdoser vos neurones en sérotonine ».Problème: plus vous créez de dopamine, plus le niveau de sérotonine risque de baisser… Pour reprendre les propos de Robert Lustig: "Plus vous recherchez du plaisir, plus vous serez malheureux ! »
Aussi, et selon certains économistes du bonheur, toutes les consommations ne se valent pas. Celles qui rendent le plus heureux durablement sont celles qui renforcent notre identité et notre connexion aux autres. Sommes-nous donc en train de saper notre identité par nos addictions compulsives et addictives?
ET SI LA QUETE, ETAIT PLUTOT UNE QUETE DE SENS? C'est la thèse défendue par Viktor Frankl, psychiatre viennois contemporain de Freud qui a fondé la logothérapie. En partie inspirée de son vécu dans les camps de concentration, cette thérapie propose à chacun de trouver sa propre mission sur terre.
Son idée centrale rejoint ce que nous pressentons ou cherchons plus ou moins consciemment : pour s'épanouir pleinement, l’homme doit chercher et trouver le sens profond de son existence. Ce sens, logos en grec, est un vrai moteur qui donne goût à la vie et peut même guérir bien des maux : c'est la thérapie par le sens, ou "logothérapie ».
Au cours de ses recherches et consultations, Viktor Frankl constate que ses patients souffrent avant tout d’un grand vide existentiel. "Le vide existentiel peut prendre plusieurs aspects, explique-t-il. La recherche d’un sens à la vie est parfois remplacée par la recherche du pouvoir, incluant sa forme la plus primitive, soit le désir de gagner toujours plus d’argent. Dans d’autres cas, c’est la recherche du plaisir qui y est substituée."
Désoeuvrés, éloignés de leurs véritables désirs, les hommes et les femmes sombreraient peu à peu dans une forme de dépression. Ainsi, certains affichant une image d’apparente réussite, seraient également en proie au mal-être, car ayant couru après l’argent plutôt qu’après le sens profond de leur existence.L’excès de consommation, compulsive, addictive, cacherait-elle notre vide existentiel, source d'angoisse et de dépression? Viktor Frankl en est convaincu : c’est en cherchant ce sens profond de leur vie que ses patients retrouveront progressivement volonté et joie de vivre. "Lorsqu’on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s’améliore", écrit-il.
Dans cette quête de sens, Frankl ouvre des piste. Ainsi, l'amour ou la qualité de nos relations aux autres est une piste majeure pour (re)donner sens à notre vie. Il suffit parfois de la diriger vers quelqu’un d’autre que soi-même ou vers quelque chose d’autre.
SANTOSHA, LE CONTENTEMENT L’Ayurveda en fait également un piliers de la bonne santé physique et psychologique: Avoir une vie utile ou non-utile, pour les autres, pour la Société et pour la Nature. Avoir une vie bénéfique ou médiocre. Avoir une vie heureuse ou malheureuse. Ce sont autant de piliers qui nous apportent contentement (« Santosha » en sanskrit), et garantissent autant notre santé psychique que notre Longévité.
« SANTOSHA ANNUTTAMAH SUKHALABHAH » "Par le contentement s’obtient le bonheur suprême" (chap. 2.42 des Yoga Sutras de Patanjali)« Santosha », le contentement ou l’acceptation, est aussi l’un des piliers des Niyama les « règles d’éthique personnelle » du Yoga. Patanjali nous présente le secret du bonheur. Pour être heureux, il suffit d’accepter chaque chose, situation ou personne telle qu’elle est et telle qu’elle n’est pas. Le contentement provient du bien-être de l’esprit. Il favorise une vision positive de tout être, de toute situation alors que les frustrations s’accompagnent d’une comparaison portant aux regrets, à l’agitation de l’esprit et à la souffrance. Mais comment accéder au contentement? Comment maîtriser nos propres pensées, puis celles de toute une société devenue anxiogène ?
ANITYA, L'IMPERMANENCE Anitya, est un terme sanskrit qui se traduirait par « non-éternité » ou plus généralement « impermanence ». Selon Gautama Bouddha, l'attachement aux choses impermanentes s'avère être la cause de la souffrance, « dukkha », car ce qui est impermanent ne peut être satisfaisant… Ainsi nous prenons conscience que rien n’est permanent, rien de dure jamais, ni notre plaisir, ni notre bonheur, ni même nos souffrances.Ce ne sera peut etre pas le cas pour vous. Pour moi, nourrir ce principe d’ANITYA au quotidien, m'apporte une sérénité et un espace de liberté plus grands.
Et je me murmure: - Chante, parce que ça ne va pas durer. - Pleure, parce que ça ne va pas durer.
Armanda Dos Santos