Ma vie, dans sa brièveté, n’est qu’une infime pause, une respiration suspendue entre les grandes phrases de l’histoire humaine. À peine un battement de cils dans l’éternité du temps, une virgule entre les mots d’un récit infini. Et pourtant, quelle puissance dans une simple virgule ! Elle ne conclut rien, mais elle donne un rythme, une intention, une nuance. Sans elle, le sens peut vaciller, l’harmonie se briser.
Je suis cette virgule. Une halte, une interruption légère dans le flot immense des existences qui m’ont précédée et de celles qui viendront après. Je ne suis pas la phrase entière, ni son point final, mais j’ai ma place, essentielle dans sa modestie, dans l’enchaînement des vies et des histoires.
À l’échelle de l’univers, ma durée est dérisoire. Mais dans cette virgule, il y a un monde. Un souffle rempli d’expériences, de sensations, de joies et de douleurs. Une conscience capable de contempler les étoiles, d’aimer, de pleurer, de se demander pourquoi. Et c’est là que réside le miracle : dans cette infinie petitesse, il y a une profondeur incommensurable.
Je n’ajouterai peut-être rien de grandiose à l’histoire humaine. Pas de monuments, pas de révolutions à mon nom. Mais je peux y déposer une intonation, une intention. Un acte de bonté, une idée transmise, un cœur touché. Et cela suffit. Car chaque virgule porte en elle un potentiel de transformation.
L’histoire humaine est une longue narration, faite de millions de vies comme la mienne. Chacune est une pause, un souffle, une transition. Ensemble, nous tissons un texte où chaque mot compte, où chaque silence a sa raison d’être.
En acceptant d’être une virgule, je me rends compte que je n’ai pas besoin d’être plus. Pas besoin d’être une exclamation bruyante ou un point final solennel. Ma tâche est de marquer ce bref instant avec toute la plénitude de ma présence. D’habiter ma place, de lui donner tout son sens, puis de laisser la phrase se poursuivre.
Et lorsque je partirai, lorsque ma virgule disparaîtra du texte visible, elle continuera d’exister, dans l’écho de tout ce qu’elle aura permis de relier, de transformer, de révéler. Ma vie est une virgule, et c’est précisément cette humilité qui lui confère sa grandeur.
Armanda Dos Santos