Le fait est que : un individu qui s’engage à élever la société, à aider autrui, ce n’est pas une personne exceptionnelle : c’est la normalité. Le problème, c’est que ce qui devrait être une normalité, devient exceptionnel.
Nous avons inversé les rôles, et cela montre l’ampleur de notre déconnexion. Nous avons érigé en héros ceux qui consacrent leur vie à aider les autres, à rendre le monde un peu plus juste, un peu plus humain. Mais pourquoi devrions-nous considérer cela comme exceptionnel ? Pourquoi devrions-nous admirer des personnes qui agissent simplement selon ce que l’on pourrait appeler une obligation morale, une responsabilité naturelle envers notre propre espèce ?
La véritable normalité devrait être celle de l’engagement envers les autres, celle où l’on n’hésite pas à tendre la main, à se soucier des autres, à défendre ce qui est juste. Ce n’est pas un acte extraordinaire que de donner de soi pour la collectivité, c’est un acte naturel, c’est un fondement de l’humanité, celui qui nous lie tous ensemble dans un même élan de solidarité. L’égoïsme, la négligence, la recherche incessante de son propre confort aux dépens de l’autre, voilà ce qui devrait être l’exception, et non l’inverse.
Le problème aujourd’hui est que nous avons perdu cette vision fondamentale. Nous avons érigé des valeurs égocentriques en idéaux et avons tendance à valoriser ceux qui poursuivent la réussite personnelle sans se soucier des autres, ceux qui alimentent la division, qui ne voient l’autre que comme un obstacle à leur propre ascension. C’est un système qui récompense l’individualisme et sanctionne la solidarité, qui place sur un piédestal ceux qui réussissent à être “plus” dans un monde fait de moins.
Mais dans cette perversion des priorités, la véritable humanité est mise de côté. Aider autrui, élever la société, protéger l’environnement, défendre les opprimés, soutenir ceux qui ont besoin de soutien… ce ne sont pas des actes exceptionnels. Ce sont des actes qui devraient être ancrés dans chaque cœur, dans chaque geste. C’est cela la normalité. C’est cela la véritable grandeur.
L’exception devrait être de vivre uniquement pour soi, de ne pas se soucier des conséquences de nos actions sur les autres. Mais la normalité, la vraie, c’est de reconnaître que nos vies sont intrinsèquement liées, que l’élévation de la société passe par l’élévation de chacun, que notre propre bonheur dépend du bien-être des autres. Ce qui est tragique, c’est que nous avons fait des actes de bienveillance un exploit. Le véritable défi n’est pas de donner aux autres ou de travailler à rendre le monde meilleur, mais d’avoir la force de revenir à ce qui devrait être naturel pour nous tous.
Et tant que cette inversion des valeurs persistera, le monde continuera de se perdre dans une quête de grandeur individuelle, alors que la véritable grandeur réside dans l’humilité de l’engagement pour l’autre. Si nous pouvions rétablir l’ordre des choses, si nous pouvions rendre la solidarité, l’amour du prochain, et l’entraide une véritable norme, alors peut-être commencerions-nous à voir des changements profonds, durables, et profondément humains dans notre société.
Armanda Dos Santos