L’humain porte en lui une part d’Éternité, car il est la création même du Créateur. Cette part divine, incarnée par Atma en Ayurveda, est pure, éternelle, immuable et inaltérable. Mais l’humain ne se limite pas à cela. Il est également doté d’un mental (Manas), d’un ego (Ahamkara) et d’un libre arbitre (Swatantra), ces outils précieux qui rendent notre expérience unique mais aussi profondément complexe.
Si notre part divine dominait entièrement notre existence, nous vivrions dans un état d’alignement parfait avec les lois universelles. Mais ce n’est pas le cas. La réalité humaine actuelle, marquée par la confusion, la souffrance et une perdition croissante, révèle que notre libre arbitre — ce pouvoir de choisir entre ce qui est bénéfique (Hita kara) et ce qui est néfaste (Ahita kara) — a souvent été détourné vers des choix destructeurs.
Le libre arbitre : entre Bénédiction et Responsabilité
Le Créateur, dans sa sagesse infinie, nous a donné plus qu’une essence divine : il nous a offert le pouvoir de décider. Ce libre arbitre est une bénédiction, mais aussi une immense responsabilité. Il place entre nos mains la capacité de discerner (Viveka) et de choisir entre ce qui élève et ce qui dégrade, entre Sukha (le bonheur) et Dukha (la souffrance).
Malheureusement, l’histoire de l’humanité montre que, au fil des ères, ce discernement a été de plus en plus négligé. Selon les Samhitas, les premiers hommes vivaient dans un alignement total avec les lois divines, en harmonie parfaite avec la création et le Créateur. C’était l’âge d’or, ce que l’on appelle métaphoriquement le Paradis. Ces hommes, dotés de grandeur, de longévité et de moralité, respectaient la nature et ses lois.
Mais peu à peu, par désobéissance et par Adharma (actions contraires aux lois universelles), ils ont commencé à s’éloigner de cet alignement. Chaque acte contraire au Dharma a entraîné une diminution de leur grandeur, de leur moralité et de leur longévité. Ce déclin progressif nous a menés à l’ère actuelle, marquée par l’ignorance, le matérialisme, et un éloignement radical de notre essence divine.
Le rôle de Manas et des Indriyas : la clé du discernement
En Ayurveda, il est dit que la vie (Ayu) est l’union de quatre composantes : Sharira (le corps), Manas (le mental), Indriyas (les organes des sens) et Atma (l’âme). Si Atma est immuable et pure, les autres composantes sont influençables et changeantes. Elles dépendent des choix que nous faisons et de la manière dont nous en prenons soin.
• Manas, notre mental ou fontions cognitives, est le siège de notre libre arbitre. C’est lui qui analyse, interprète et décide. Cependant, il est sous l’influence des Indriyas, nos organes des sens, qui perçoivent la réalité et transmettent ces informations à Manas. Si les Indriyas sont encombrés, pollués ou dysfonctionnels, le mental fait des interprétations erronées de la réalité.
• Lorsque Manas est influencé par des perceptions biaisées ou des désirs insatiables, il s’éloigne de Buddhi (l’intellect supérieur, le discernement éclairé), et les canaux qui nous relient à Atma deviennent voilés. Cette déconnexion crée une distance entre notre essence divine et nos actions.
En d’autres termes, nos choix — bons ou néfastes — sont le fruit d’une interaction complexe entre nos sens, notre mental, et notre capacité à discerner. Si ces outils sont mal entretenus, le libre arbitre devient un fardeau, et nous sombrons dans des schémas destructeurs.
Le “diable” en nous : un test de souveraineté
Dans cette perspective, la notion métaphorique de “Satan” ou de “Sheitan” n’est pas une entité extérieure, mais une force intérieure : c’est cette voix en nous qui nous tente, qui nous pousse à privilégier le néfaste au bénéfique, à céder à l’égoïsme, au désir, ou à la paresse. Cette “force” est là pour nous mettre à l’épreuve, pour tester notre souveraineté et notre capacité à choisir en conscience.
Choisir entre Prayasa (le bénéfique à long terme) et Shreyasa (le plaisir immédiat) est un exercice constant de discernement. Cela demande non seulement une éducation éclairée mais aussi une discipline rigoureuse (Tapas) pour ne pas se laisser submerger par les influences néfastes.
Reconnexion à notre part divine : éducation et discipline
Pour retrouver cet alignement, deux piliers sont nécessaires :
1. L’éducation : Cultiver Viveka (le discernement) en comprenant les lois universelles, les conséquences de nos actions, et l’interaction entre notre corps, notre mental et notre âme. Cela passe par une introspection et une transmission des sagesses ancestrales.
2. La discipline : Pratiquer Tapas, une autodiscipline consciente, qui nous aide à entretenir nos Indriyas, purifier notre mental et renforcer notre lien avec Atma. Cela implique un soin constant à travers une alimentation sattvique, des pratiques spirituelles, et des choix alignés avec notre véritable nature.
En éduquant notre mental et en disciplinant nos sens, nous pouvons espérer libérer les canaux qui relient Sharira, Manas et Indriyas à Atma, et ainsi retrouver notre essence éternelle.
Le retour au sacré, un choix conscient
Nous sommes à un carrefour où chaque individu est appelé à faire un choix : continuer à s’égarer dans l’éphémère et le néfaste, ou cultiver l’éveil et l’alignement avec sa nature divine. Ce choix, guidé par notre libre arbitre, n’est pas facile, mais il est la clé pour retrouver le sacré dans nos vies et rétablir un équilibre intérieur et collectif.
Le libre arbitre, loin d’être une malédiction, est une opportunité offerte par le Créateur pour exercer notre souveraineté et nous élever. Mais cela demande une vigilance constante, un discernement éclairé, et un effort soutenu pour reconnecter avec ce qui est véritablement éternel en nous.
Les différentes ères astrologiques et l’évolution des premiers hommes
L’histoire de l’humanité, selon les écritures et traditions anciennes, peut être lue à travers le prisme des ères astrologiques ou des cycles cosmiques. Ces cycles, connus sous le nom de Yugas dans la tradition védique, décrivent le déclin progressif de l’humanité, tant sur le plan spirituel que matériel. Ils illustrent le passage de l’âge d’or, marqué par une harmonie parfaite, à notre époque actuelle, empreinte de déséquilibres et de souffrances.
1. Les Yugas : les grandes ères de l’humanité
Les Yugas se succèdent en 4 grandes phases, chacune marquant un changement dans les circonstances d’existence de l’homme :
1• Satya Yuga (l’âge d’or) : Une période où les premiers hommes vivaient en alignement parfait avec les lois divines (Dharma). Ils jouissaient d’une vie longue, prospère et harmonieuse, en totale communion avec le Créateur et la création. L’humanité ne connaissait ni malheur, ni conflit, ni épreuve.
2• Treta Yuga (l’âge d’argent) : Le début d’une déviation progressive de l’harmonie divine. Les hommes commencent à s’éloigner légèrement des lois naturelles et spirituelles.
3• Dvapara Yuga (l’âge de bronze) : Une chute encore plus marquée, où le Dharma est à moitié perdu. L’égoïsme, les conflits et l’ignorance prennent racine.
4• Kali Yuga (l’âge de fer) : L’ère actuelle, caractérisée par un déséquilibre profond, une perte quasi totale du Dharma, et une domination de l’ignorance, de la souffrance et du matérialisme.
Ces cycles reflètent la chute progressive de l’homme, depuis son état initial d’harmonie jusqu’à la confusion actuelle.
2. Les premiers hommes : une existence sans épreuve
Dans le Satya Yuga, les premiers hommes vivaient dans un état de grâce, où tout était aligné avec l’ordre divin. Ils jouissaient d’une connexion parfaite avec la création et le Créateur. Leur vie était empreinte de pureté, de vérité et d’immortalité relative :
• Ils étaient dotés d’une grande taille physique et spirituelle, à la fois puissants et lumineux.
• Leur existence se déroulait sans conflit, sans effort excessif, et sans épreuve.
• Les lois naturelles et divines, appelées Rta (l’ordre cosmique), étaient respectées naturellement, sans besoin de coercition ou de discipline.
Dans cet état, l’homme n’avait pas besoin d’être éprouvé, car il vivait en harmonie avec les lois universelles. Il était, en quelque sorte, dans une version métaphorique du « Paradis », où l’effort n’était pas nécessaire pour maintenir l’équilibre.
3. La chute de l’humanité : le rôle de la désobéissance (Adharma)
Le tournant décisif est survenu lorsque l’homme a choisi de désobéir à l’ordre divin. Les écritures décrivent cela comme le début de Adharma — les actions contraires au Dharma.
Avec l’apparition du libre arbitre, les hommes ont commencé à agir par égoïsme, orgueil et ignorance, rompant leur harmonie avec le Créateur. Ce que les traditions appellent « péché » symbolise en réalité une déviation des lois naturelles et spirituelles. Chaque acte de désobéissance a eu des conséquences profondes :
• L’homme a commencé à s’imposer l’épreuve : le malheur, la douleur, la lutte. Ce n’est pas le Créateur qui a voulu cela pour l’humanité, mais l’homme lui-même, en s’éloignant volontairement de l’harmonie universelle.
• La chute progressive a entraîné une perte de grandeur (physique et spirituelle), une diminution de longévité, et une érosion de la moralité.
En choisissant le néfaste au lieu du bénéfique, l’homme a créé les conditions de sa propre souffrance. Chaque ère astrologique successive reflète un approfondissement de cette chute, où l’humanité s’est éloignée toujours plus des lois divines.
4. Les épreuves comme conséquence, non comme dessein divin
Il est essentiel de comprendre que le Créateur, dans sa grande bienveillance, n’a jamais souhaité l’épreuve, la douleur ou le malheur pour l’humanité (nous avons pour exemple, la description du Paradis d'Adam et Eve). Dans la vision originelle, l’homme était destiné à vivre en harmonie avec l’univers, jouissant d’une existence paisible et alignée.
Cependant, en choisissant Adharma, l’homme s’est imposé ses propres épreuves. Ces épreuves sont devenues un miroir, une conséquence naturelle de ses actions, et non un châtiment divin. Elles reflètent l’éloignement de l’humanité par rapport à sa véritable nature divine.
5. Reconnecter avec l’intention première du Créateur
Si la chute de l’humanité a été provoquée par ses propres choix, il reste possible de retrouver l’harmonie originelle. Ce chemin passe par une rééducation spirituelle et une discipline intérieure :
• Éducation (Jnana) : Comprendre les lois du Dharma, cultiver le discernement (Viveka) et reconnecter avec l’essence divine en nous.
• Discipline (Tapas) : Maintenir un mode de vie aligné, purifier le corps, le mental et les sens, et cultiver des actions bénéfiques (Hitakara).
L’épreuve, bien qu’auto-imposée, peut devenir une opportunité : celle de se transformer, d’éveiller notre conscience, et de retrouver ce lien perdu avec le Créateur et sa vision originelle.
Conclusion - Une responsabilité humaine
Le Créateur nous a offert un cadeau inestimable : le libre arbitre. Mais ce don s’accompagne d’une responsabilité immense. La chute de l’humanité résulte de nos propres choix, et il est en notre pouvoir de retrouver l’état de grâce et d’harmonie.
Les épreuves ne sont pas une fatalité. Elles sont une conséquence de notre éloignement, mais aussi une invitation à revenir vers notre nature divine, à réintégrer les lois du Dharma, et à recréer un monde aligné avec l’intention première du Créateur.
Armanda Dos Santos