Pendant l'expérience du Kuti, l’écrit se révèle être un acte de profond alignement avec le processus intérieur de purification et de régénération. Écrire devient une pratique sacrée, un moyen d'explorer et de comprendre les mouvements subtils de l'âme, tout en maintenant les organes des sens – y compris le mental, considéré en Ayurveda comme le sixième des organe des sens, et le Maître – dans un état de repos et de recueillement (Pratyahara).
L'écriture, dans cet espace de silence et d'obscurité, n'est pas une distraction, mais un acte de contemplation. Elle permet de traduire en mots ce qui est perçu intérieurement, sans pour autant solliciter excessivement les sens. À travers l'écriture, on capte les impressions fugaces, les émotions subtiles, les pensées profondes qui émergent du silence, tout en évitant la surcharge sensorielle que peuvent provoquer la lecture, la musique, ou d'autres formes de stimulation.
Ne pas lire, ne pas écouter de musique, ne pas manger, c'est choisir de donner à ses sens un repos bien mérité, un espace pour se régénérer (kala, le temps). Les yeux, les oreilles, la peau, la bouche, les membres d’action, tous ces organes sont constamment sollicités dans la vie quotidienne, bombardés de stimuli qui fatiguent le système nerveux et dispersent l'énergie mentale. Le Kuti est un lieu où l'on inverse ce processus, où l'on invite ces sens à se retirer de leur activité habituelle pour se tourner vers l'intérieur, vers le silence, le vide, l’immobilité, le retrait, le soin, la guérison.
Le mental, ce 6e organe des sens, est souvent le plus difficile à apaiser. Il est toujours en mouvement, toujours à la recherche de quelque chose à traiter, à analyser, à comprendre. C'est pourquoi il est essentiel de ne pas le surcharger avec des informations extérieures, comme celles que l'on trouverait dans un livre, la nourriture ou dans de la musique. Ces activités, bien que souvent plaisantes, maintiennent le mental en activité, l'empêchant de se reposer vraiment, de se nettoyer, de se recentrer.
Écrire, en revanche, devient un exercice d'intériorité. C'est une manière de dialoguer avec soi-même, de mettre en lumière les pensées et les émotions sans les laisser prendre le dessus. C'est un acte de libération, une manière de vider le mental, le cœur, de ce qui l'encombre, pour laisser place à un silence plus profond, plus pur. A la digestion. Chaque mot écrit est une pierre sur le chemin du retour à soi, un acte de création qui émerge du silence, sans rompre ce silence.
Dans le Kuti, écrire devient un moyen de cristalliser l'expérience, de donner forme à l'informel, sans pour autant perturber l'harmonie du silence et de l'immobilité. C'est une manière de rester présent, de rester conscient de ce qui se passe en soi, tout en respectant le besoin fondamental de repos des sens. C’est un moyen de transformer l’Ama et de soutenir la force d’Agni. L'écriture permet de capter l'essence de l'expérience sans l'altérer, de rester fidèle à ce que l'on ressent, sans le détourner par des stimuli extérieurs, tout en nous aidant à infuser le processus.
Armanda Dos Santos