Extrait de «In Praise of the Goddess : The Devimahatmya and Its meaning» de Devadatta Kali, traduit et adapté par Ishara Labyris, Ps. Dea
La tradition Sakta révère la Mère Divine comme la puissance créatrice universelle, la source de tout changement intérieur et identique à la réalité immuable. Pour elle, Sakti n'est pas l'épouse de Visnu ou de Siva, comme les Vaisnavas et les Saivas la perçoivent, mais elle est leur source, à laquelle ils sont, ainsi que tous les autres dieux, subordonnés. Le pouvoir incommensurable et sans forme de Sakti peut être conceptualisé seulement en relation avec son activité en tan tque créatrice, préservatrice et destructrice de l'univers. En conséquence, Sakti est Mahadevi, la Grande Déesse, vénérée à travers l'Inde sous diverses formes, bienfaisante et terrifiante, incluant les puissantes Durga et Kali. Sir John Woodroffe, qui écrivit ses études reconnues sur la religion Sakta sous le nom d'Arthur Avalon, observa que le culte de Sakti préserve les traits essentiels d'une ancienne religion, largement répandue, de la Déesse Mère, qui fut appelée par différents noms et vénérée sous différentes formes par les peuples du passé.
Les pratiques religieuses Sakta sont primairement, mais non exclusivement, tantriques, et ces deux traditions s'entrelacent, mais ne coïncident pas entièrement. Le Tantra, qui existe aussi sous les formes Vaisnava, Saiva et Sakta, est plus largement défini comme un ensemble de pratiques anciennes à l'extérieur de la sphère védique. Le tantra évolua dans un nondualisme philosophique hautement sophistiqué qui perçoit le monde comme la projection et la transformation de Sakti, le principe créateur divin. Cette idée est inhérente au mot tantra lui-même, qui dérive de la racine du verbe signifiant «étendre, répandre, être diffusé». Dans un sens intransitif, ce qui est étendu est la réalité divine elle-même, dans un continuum qui englobe à la fois la transcendance et l'immanence, l'infini et le fini, l'être et non-être, l'esprit et la matière. Dans un sens transitif, ce que le Tantra étend est la connaissance de la divine réalité. En conséquence, le mot s'applique à une classe d'écrits sacrés, aussi appelés Tantras ou Agamas. Sans auteur connu et d'un âge disputé, les Tantras majeurs seraient plus vieux que le 12e ou le 14 siècle avant l'ère chrétienne, bien que les pratiques dont ils font mention prennent racine dans les temps pré-boudistes, à savoir quelque 2 mille ans avant. La philosophie non-dualiste qu'ils présentent est basée sur les Upanisads, bien que le Tantra demeure à part des six darsanas de la tradition Brahmanique orthodoxe.
Comme pratique spirituelle (sadhana), le Tantra vise l'union avec le Divin. Sous sa forme Sakta, il requiert une discipline stricte, une purification rituelle et la dévotion envers la Mère Divine. Paradoxalement, les instruments utilisés pour surpasser les limitations du corps, de l'esprit et de l'intellect sont le corps, l'esprit et l'intellect eux-mêmes. Le but étant de se libérer du cycle répétitif de la naissance, de la mort et de la renaissance en cultivant la liberté du désir et le détachement des objets des sens perceptifs. Ultimement, c'est le savoir (jnana) qui mène à la libération.